Le devenir épais. Rythmes et vitesses des trajectoires de développement de la sémiose.

Dans cette communication, nous souhaitons questionner le thème des trajectoires par rapport à une double perspective : i) celle, interne à la discipline, qui marque le passage de modèles centrés sur les textes à des modèles (Fontanille 2008) incluant plusieurs manifestations expressives et y articulant leurs transitions et, ii) celle qui, par l’ouverture même de la sémiotique actuelle à d’autres modes d’existence (Fontanille 2015), esquisse une trajectoire d’hybridation disciplinaire avec l’anthropologie. Pour ce faire, il nous semble nécessaire d’évaluer la notion de trajectoire à la lumière d’autres termes qui lui sont contigus, à savoir ceux d’aspectualisation, de devenir, de rythme et de vitesse. En effet, dans l’histoire de la sémiotique, aussi bien l’aspectualisation – en tant que point de vue sur un processus –, que le devenir – en tant que succession syntagmatique d’éléments constituant des actes de parole –, ont été conçus, voire même représentés graphiquement, comme des trajectoires linéaires et orientées de la sémiose. Comme nombre d’auteurs l’ont fait remarquer (Parret 1991, Zinna 1995), si cette réduction bi-dimensionnelle des faits sémiotiques a permis, du point de vue méthodologique, de stabiliser la démarche propre de la discipline, cela a en revanche évacué le problème de l’hétérogénéité aussi bien du sens globalement conçu que de ses manifestations. La stratification de l’expression en niveaux de pertinence que suggère Jacques Fontanille répond en partie à l’exigence de comprendre cette même hétérogénéité. Dès lors, les trajectoires et les articulations entre les niveaux de stabilisation du sens (signes, textes, objets, pratiques, stratégies, formes de vie) se multiplient et peuvent se couper, s’entrelacer ou effectuer des sauts ou des condensations. Cependant, une question demeure quant à la nature même de ces trajectoires et passages, car des décalages peuvent se produire entre un niveau et un autre, des résidus des matériaux sémiotiques peuvent sans cesse rentrer dans la dynamique globale de formation des sémioses. Par conséquent, il s’avère indispensable de doter la notion de trajectoire d’outils à même de restituer son épaisseur. Dans ce cadre, les notions de rythme et de vitesse constituent des bons candidats, en ceci qu’elles mettent en lumière précisément la nature développementale de la trajectoire en tant que telle. Elaborées d’un côté dans la dite anthropologie sémiotique (Rosenthal et Visetti 2010) et, de l’autre côté, en sociologie (Rosa 2010), les notions de rythme de vitesse et, notamment, d’accélération, doivent être pensées non seulement vis-à-vis de la dimension temporelle qu’elles affichent, mais également par rapport à la composante expressive et modale de la sémiose qu’elles permettent d’identifier. Dans ce sens, la sémiose se configure – en tant que développement hétérogène et expressif de constitution de formes signifiantes – comme une dynamique foncièrement instable et animée à l’intérieur par des tensions non seulement temporelles, mais relatives à la force sémiogénétique de ses matières. Les rythmes et les vitesses permettent non seulement d’isoler un moment de ce processus, mais aussi d’y saisir ses différentes consistances sur plusieurs échelles développementales, soient-elles micro-, méso- ou macro-génétiques, comprise comme autant de phases d’orientation temporaire des trajectoire de la sémiose.
Pays: 
France
Thème et axes: 
Sémiotique et Philosophie
Sémiotique et Anthropologie
Institution: 
CeReS - Université de Limoges
Mail: 
v.deluca.83@gmail.com

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Accepted
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